José Asunción Silva (1865-1896)

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Nocturne III (extrait)

Traduit par Marcel Baiche 

 



Une nuit

une nuit toute pleine de parfums, de murmures et de musique d’ailes,

            une nuit

où luisaient dans l’ombre nuptiale et fraîche les lucioles fabuleuses,

à mon côté, lentement, toute blottie contre moi, muette et pâle

comme si un pressentiment d’amertumes infinies

t’agitait jusqu’au plus secret de tes fibres,

par le sentier qui fuit dans la plaine fleurie

            tu allais,

            et la pleine lune

par les cieux d’azur, infinis et profonds, répandait sa lumière blanche.

            Et ton ombre,

            fine et languissante,

            et mon ombre

projetée par les rayons de la lune

sur le sable triste du sentier

s’unissaient

            et n’étaient qu’une,

            et n’étaient qu’une,

et n’étaient plus qu’une seule ombre longue,

et n’étaient plus qu’une seule ombre longue,

et n’étaient plus qu’une seule ombre longue…



                           
 *        *        *

 

 
 

            Una noche

Una noche toda llena  de perfumes, de murmullos y de música de älas,

            Una noche

en que ardían en la sombra nupcial y húmeda las luciérnagas fantásticas,

a mi lado, lentamente, contra mi ceñida, toda muda y pálida

como si un presentimiento de amarguras infinitas

hasta el fondo más secreto de tus fibras te agitara,

por la senda que atravies la llanura florecida

            caminabas

            y la luna llena

por los cielos azulosos, infinitos y profundos, esparcía su luz blanca,

            y tu sombra,

            fina y lángida,

            y mi sombra

por los rayos de la luna proyectada

sobre las arenas tristes

de la senda se juntaban.

            Y eran una

            Y eran una

¡ y eran una sola ombra larga !

¡ y eran una sola ombra larga !

¡ y eran una sola ombra larga !

 

 

 

Poète colombien, José Asunción Silva (1865-1896) a exercé une grande influence sur la littérature de son pays : il assure une transition entre le postromantisme et  le modernisme. Silva a connu à Paris Verlaine et Mallarmé, mais sa sensibilité douloureuse et tourmentée est plus proche de celle d’Edgar Poe ou de Baudelaire. Il se suicida à trente et un ans, après une existence marquée par les malheurs.

 

A l’exception de quelques brèves saisons à l’étranger (Europe et Venezuela), la vie de Silva se déroule dans le milieu étroit et peu stimulant du Bogota de la fin du XIXème siècle. Son existence a été marquée par l’échec et la frustration : ruine du commerce familial qu’il s’était efforcer de sauver, mort de sa sœur Elvira, avec qui il était très lié (il lui a dédié le célèbre poème « Nocturne »), naufrage d’un bateau dans lequel il perdit le meilleur de son travail, et enfin hostilité d’une société repliée sur elle-même (qui le surnommait « José Présomption ») à laquelle il cachait sa vocation littéraire.

Avant son suicide,  son génie poétique était parvenu à pleine maturité. Sa poésie, très peu connue de son vivant, n’a été publiée pour la première fois qu’en 1908, à Barcelone, dans une version partielle et incorrecte, mais avec une préface d’un fervent admirateur : Miguel de Unamuno. Aujourd’hui son œuvre est considérée comme l’une des plus importantes de la poésie hispano-américaine.

Voir le site de la Casa de poesia Silva, à Bogota (en espagnol)

Publié dans Poème du mois

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M
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